Que Lire ? Le blog littéraire d’une rédactrice web de 40 piges qui allie sa passion de l’écriture à celle de la lecture. Des livres et des chroniques littéraires ? Oui, mais pas que ! Vous découvrirez des tests conso, de la culture, de l'art et tout les thèmes lifestyle qui me parlent ; bio, végé, éco et bien-être...
13 Janvier 2016
Pisseux ! Pisseux ! Pisseux !
Il rêve qu’il pisse
et il pisse pour vrai.
Je lave, je lave, je lave, je lave.
Et c’est la machine qui fait tourner mon rêve en cauchemar.
C’est avec beaucoup de naturel qu’Hervé Bouchard raconte la vie de Jacques Mailloux, enfant. La vie d’un gamin confronté à la dureté du quotidien de la vie de quartier, confronté aussi à l’indifférence de sa mère, à l’alcoolisme de son père, aux décès qui jalonnent son existence. Une invitation à partager le quotidien des petites gens, celles qui occupent leurs journées en les regardant passer, celles qui ont des enfants, mais ne les voient plus et les laissent affronter la vie extérieure seuls et sans repère.
« Mailloux », le gamin qui connaît la honte de déféquer devant ses amis, qui s’initie aux plaisirs de la chair, seul dans la chambre de ses parents, puis se retrouve spectateur d’ébats non conventionnels chez des gens qu’ils fréquentent sans vraiment les connaître. Mailloux qui côtoie la mort d’amis et bien plus, qui côtoie le malheur s’abatant sur toute la famille quand un petit « Mailloux » de 100 jours est retrouvé dans le canapé, mort noyé dans son vomi, écrasé par un père alcoolisé qui s’est endormi.
« Mailloux » qui connaît les amitiés fortes, faites de violence, de jeux où quand on y perd, on paie de sa personne. Et le gage, qui de brimade devient défouloir pour se terminer en pugilat.
Une lecture particulière, comme l’ambiance qui règne dans ce livre. De lecteur, on se retrouve voyeur de toutes ces courtes scènes de vie. Une ambiance moite, qui sent la cigarette et la bière. On imagine les femmes bigoudis sur la tête, habillées d’un tablier, puis devenir pimpantes dans leurs vêtements bon marché à l’occasion d’une rare sortie de leur quotidien étriqué. On se représente les hommes titubant jusqu’au canapé, petit-déjeunant au tabac et à la vinasse. On entend les commérages qui se rependent de pailler en pailler et auxquels il faut faire face, en attendant que d’autres ragots alimentent les conversations et salissent d'autres victimes.
Il m’aura fallu beaucoup de concentration pour m’immerger dans la vie de Jacques Mailloux. Le langage, mêlant argot, manque d’éducation et automatisme forgés sur plusieurs générations est assez difficile à s’approprier. On s’y habitue toutefois au bout de quelques (courts) chapitres. L’ambiance, les situations, les hontes et les drames, je les sais réalistes. Aujourd’hui encore, même si l’on vit moins en extérieur qu’à cette époque, je sais qu’il y a des gens qui habitent dans des endroits où l’intimité n’est pas respectée, où tout se sait et se répète, ou l’humiliation est naturelle et chacun, un jour ou l’autre en sera victime. C’est étrange, mais en terminant ce livre, je me suis sentie sale, comme si je venais de vivre l’histoire de « Mailloux » en direct. C’est un sentiment de compassion que j’ai ressenti pour lui alors qu’il ne m’a inspiré que du dégoût lors de ma lecture.
Un livre pour lecteur aventureux, curieux de lire un texte bien écrit malgré le côté « inculte » du phrasé. Pour tout vous dire, je ne sais pas si j’ai aimé ou pas, mais en tout cas, j’y pense beaucoup.
"Mailloux" d'Hervé Bouchard
Paru le 14 janvier 2016 aux éditions Le Nouvel Attila
Collection Incipit
ISBN : 978-2-37100-030-8
160 pages
17.00€
L'auteur :
Hervé Bouchard est né à Jonquière, au Québec, en 1963, et est professeur de lettres à Chicoutimi.
La même année que Mailloux, en 2006, il a publié Parents et amis sont invités à y assister (Grand Prix du Livre de Montréal) au Quartanier, roman à la lisière du théâtre, chant collectif et familial fait de monologues entrecroisés. Pour les enfants, il écrit Harvey (éditions La Pastèque, 2009), sur le souvenir des personnes disparues, qui a été auréolé de nombreux prix au Québec.
Le photographe :
Roger Ballen (New York, 1950) a vécu et travaillé trente ans comme géologue dans les campagnes et les petites villes d’Afrique du sud. Il photographie d’abord les rues désertes, l’intérieur des maisons (Dorps, 1986, Platteland, 1994).
Longtemps resté fidèle aux formats carrés et à un noir et blanc radical, son style évolue vers la fiction documentaire, avant d’intégrer
dessins, peintures, sculptures.
À partir de l’an 2000, les marginaux dont il a d’abord documenté la vie deviennent de véritables acteurs dans des mises en scène puissantes et psychodramatiques (Outland, 2000; Shadow Chamber, 2005). Parfois les gens cèdent la place à des photos, des poupées, des tétines ou des animaux au comportement ambigu.
Roger Ballen a également réalisé des films, comme Asylum of the bird’s ou le fameux clip I Fink U Freeky avec Die Antwoord (visible sur YouTube).
Journal d'un caméléon de Didier Goupil - Que lire ?
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